Le modèle universel de management n'existe pas - D. Held - Agefi Indices Août 22

Les théories du management sont un business avant d’être une science.
Depuis Blake & Mouton, les théories XY, le manager situationnel, le leader inspirant, le management bienveillant est apparue l’idée de l’entreprise libérée.
C’est un modèle de plus. Utile à la réflexion, mais certainement pas le modèle universel qu’on attend.

Malgré 100 ans de sciences, de recherches, des millions de livres, il faut se rendre à l’évidence :
La quête d’un modèle universel est vaine, pire elle est fallacieuse et contreproductive.
Certains modèles conviendront mieux dans certains contextes que d’autres, mais aucun ne fonctionnera partout et tout le temps. Pourtant, c’est dans cette illusion que les principaux acteurs développent leur emprise et leurs affaires. Et cela marche, parce qu’ils trouvent un auditoire qui cherche des réponses à la mode.

Il est évident que, dans chaque modèle, chaque réflexion, chaque théorie, il y a quelque chose à prendre. Mais pas avant de s’être posé une série de questions :

-    Sur les besoins de l’entreprise par rapport à son métier et à son marché
-    Sur la culture de leadership, de collaboration et de relations clients existante
-    Sur la volonté et la capacité des dirigeants de porter un changement d’envergure.


Nous avons déjà dans un précédent article mis en évidence les différences énormes en termes de leadership, de politique RH et de culture entre les entreprises de type Process et celles de type People".

Avec les modèles holocratiques et l’entreprise libérée a été introduite l’idée d’abandonner la hiérarchie au profit de la responsabilisation et de l’autonomie des équipes et des individus . Des notions extrêmement louables, attractives, mais qui, paradoxalement, ne marchent que si elles sont portées par un leader très fort et cohérent.

Ceci nous apprend plusieurs choses fondamentales :
  • Le modèle ne peut fonctionner que s’il y a cohérence, ce qui signifie que toutes les dimensions sont alignées et se renforcent mutuellement (vision, stratégie, politiques, processus, leadership, comportements, culture). Cela concerne surtout les notions très sensibles de confiance, de responsabilisation et de droit à l’erreur.
  • Le leadership qui assure cette cohérence doit être fort sans être dominant. C’est en effet la force de la vision (clarté, détermination), la clarté du cadre et des règles du jeu, la capacité à « walk the talk » et l’énergie engagée qui seront décisifs.
Le leadership le plus puissant pour mobiliser les énergies et réussir le changement est le leadership dit authentique**, mais il est le plus éloigné de ce qu’on nous apprend au quotidien.

Le leadership doit être adapté à la valeur ajoutée à obtenir : dans une organisation Process, il s’agira de fournir les prestations dans un climat de bienveillance ; dans une organisation People, il s’agira de valoriser au mieux le potentiel humain. Il faut savoir que, lorsque les enjeux business augmentent, les organisations people deviennent très vite le lieu de conflits de territoire, rendant les synergies, le partenariat et la co-construction plus compliqués. Donc souvent avec un management autocratique ou paternaliste, plus dominant qu’inspirant.

Les nouvelles approches sont incomparablement plus exigeantes que ne l’est le modèle hiérarchique, qui n’est pas spécialement performant, reste dans une logique de pouvoir et apparaît très éloigné du Réussir ensemble : il est clair, simple, confortable (sauf lorsqu’il devient toxique), nécessite peu b de formation et de talent. On essaie depuis des décennies de le rendre humain, stimulant et bienveillant, mais sans en modifier la nature.

Les tendances actuelles visent à rendre les organisations plus centrées sur l’expérience clients et collaborateurs et plus agiles. On vise la responsabilisation, mais dans un contexte de plus en plus structuré par les processus et la performance. Donc plutôt déresponsabilisant. Le discours et l’intention vont dans le sens de la dynamique humaine, la réalité plutôt dans celle de l’optimisation, avec une touche de bienveillance.

Pour qu’il en aille autrement, il faut un véritable projet, en lien avec la vision et la culture de l’entreprise, et un engagement fort pour explorer et adopter d’autres postures pour un autre impact, avec la cohérence comme but premier.

On peut y arriver, mais seulement si on transforme depuis la tête la logique hiérarchique en une logique de mise-en puissance du potentiel humain adaptée au métier, au marché et à son histoire. Cela en vaut la peine, si on se donne les moyens dans la durée.


Notes:
1) Les enjeux de la responsabilisation, AGEFI Indices, août 2021 (www.piman.ch/publications)
2) www.piman.ch/talents. Voir notre offre équicoaching et notre programme unique : The rise of authentic leadership

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Daniel Held • août 28, 2022
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